LE MAGAZINE DES TENDANCES MODE & LIFESTYLE
Tous les professionnels des tendances et futurologues que j’ai rencontrés pour élaborer cette nouvelle version d’Un1que sont unanimes : les origines des tendances sont diverses, multifactorielles et souvent conditionnées par des enjeux industriels. Signaux faibles, signaux forts, Innovations, défilés, celebrity marketing, phénomènes sociétaux, renforcement de la notion de communautés... Notre néomanie étanche à la fois notre soif de consommation et notre besoin de nous singulariser en affirmantnotre identité. Car comme le souligne David Riesman, la tendance se nourrit du regard de l’autre et de l’emprise de ses pairs. Les modes sont le fruit de l’esprit du temps, leproduit de l’essence d’une époque, une manière pour la société de prendre la parole.
Les sources d'inspiration des tendances sont multiples car nous sommes de véritables éponges intellectuelles et émotionnelles, surtout lorsqu’on bénéficie d’une intelligence visio spatiale développée et que l’on est contemplatif et curieux de tout : des humains, des animaux, de la nature, de la culture, de l’artisanat, des saveurs & destinations lointaines et des innovations quelles que soit le sec- teur, ce qui est le propre des créatifs. À l’origine d’une tendance, il y a toujours un déclencheur (un événement) ou une envie d’expression, une innovation ou la création réussie d’une œuvre singulière, esthétiquement réussie ou avant-gardiste qui a été imaginée par l’homme dans le passé, le présent ou qui prendra forme dans un futur proche. Néomaniaque un jour, easy adopteur toujours ! Mais ce qui guide tous les amoureux de la mode et de la déco, c’est le sens esthétique, la fonctionnalité et le confort au service de l’œil, l’harmonie des couleurs et des formes, bref le beau sous toutes ses traductions. Les tendances sont aussi une manière de nous connecter aux autres de leur montrer qu’on a les mêmes codes au premier regard.
Hier, nous décryptions les tribus, au jourd’hui nous vous parlerons de communautés. Grâce aux réseaux sociaux notamment, on les cumule comme des couches de vêtements en plein hiver car elles sont polymorphes et peuvent même être artistiques, musicales, spirituelles, ethniques, sportives, politiques ou idéologiques. Et j’en oublie bien sûr car la tendance se réfère à la fois à nos besoins d’exprimer notre singularité et paradoxa- lement à notre désir de se refléter dans le regard de l’autre et de faire partie d’un groupe. Exit les diktat de la mode, la ten- dance mainstream synonyme de vente en volume indécent a disparu avec l’effacement des tribus. Les tendances courtes souvent portées par la fast et l’ultra fast fashion naissent et meurent à un rythme effréné. Si le celebrity marketing fonc- tionne toujours, c’est surtout grâce à Instagram et TikTok qui sacralisent certaines tendances ou innovations grâce à des influenceurs de tous bords : artistes, fashion-addicts, sportifs et même politiques. Le nombre d’abonné est le graal et entretenu par un marketing de soi très étudié..
En revanche, si les experts de la consommation parlent aujourd’hui de lifestylisation du marché, c’est que nous gardons la même identité complexe à chaque fois que nous consommons, quel que soit le canal - pour chiner sur Vinted un soir maussade, au supermarché ou au marché de votre quartier pour concocter un dîner à vos BFF, vous acheter une casquette dans un mall new-yorkais ou né- gocier une céramique au souk d’Essaouira. Si les créatifs revendiquent des sources d’inspiration relativement identiques - voyage, art, expo, musique, rue –, les tendances longues ou courant de tendances semblent généralement plus « réactionnelles » et donc plus universelles. La tendance fait alors office de pendant à ce que l’on a vécu de pire (les attentats, la covid), aux actualités qui nous ont fait vibrer (les JO, par exemple) ou à la dégradation de nos conditions de vie (l’inflation, l’état de la planète, le climat politique ou géopolitique). Dans une société de plus en plus archipélisée, les tendances nous offrent aussi la possibilité d’affirmer notre identité et nos valeurs, de répondre à nos besoins de créer du lien et de partager ensemble ce que nous avons en commun à travers notre consommation.
« La mode passe, le style reste » disait Yves Saint-Laurent. Dans Socio- logie des tendances aux éditions Que sais-je ?, Guillaume Erner définit les tendances comme des focalisations du désir, par lesquelles des individus différents les uns des autres, sans s’être concer- tés, se découvrent les mêmes envies. Ce sont des comportements adoptés de manière temporaire par une partie substantielle d’un groupe social parce qu’ils sont perçus comme socialement appropriés à l’époque et à la situation. Leur formation n’obéissant à aucune logique préétablie, on peut également parler de goût collectif soudain, une action non concertée d’une pluralité d’individus. Phénomène hautement médiatique, ni complètement frivole, ni uniquement mercantile, les tendances influencent notre consommation et nous permettent d’explorer de nouvelles identités. « À l’épreuve du temps et suivant toujours une courbe de Gauss, elles sont régies par des vagues d’amour et de désamour », précise Erner. On peut également les considérer comme le ciment de la croissance car elles nous poussent sans cesse à renouveler notre environnement. Elles sont aussi les marqueurs d’une époque. On s’y référe avec nostalgie pour se rappeler à quel point la vie était plus douce ou plus vibrante par le passé.
Selon Colin Campbell, la mode serait née au XVIIIe siècle après des décennies de conservatisme qui détestait la nouveau- té. C’est seulement après la disparition de la société traditionnelle que la notion de mode s’est diffusée. La révolution in- dustrielle a à la fois touché la conception, mais aussi la façon de vendre les produits. Dès le XVIIIe siècle, on parle de mode de certaines couleurs et de cer- taines formes. La bourgeoisie incarne la néomanie car le luxe devient accessible aux riches. Les produits dits superflus se démocratisent alors au rythme de ceux des loisirs. Selon Erner, projet d’achat et projet de vie se mêlent pour faire vivre aux bourgeois un rêve éveillé. L’individu a gagné la possibilité de modeler simultanément la société et sa personne. La notion de tendance apparaît véritablement pendant la période des 30 Glorieuses et connaît une accélération avec l’avène- ment de la consommation de masse dans les années 1960. Les modes se démocratisent et se mondialisent, ce qui est une première. L’habillement, qui symbolise parfaitement cette appétence pour les tendances, occupe alors une part importante du budget des ménages (16,1 % du budget des ménages à l’époque contre 3 à 5 % aujourd’hui).
Erner cite le philosophe Jean Baudrillard : « L’homme occidental prête aux objets un pouvoir magique car on les considère comme des signes qui nous distinguent soit en nous affiliant à un groupe pris comme référence idéale, soit en se démarquant de votre groupe par référence à un groupe de statut supérieur. » Dans les années 1960, l’essor du prêt-à-porter et de la presse féminine amplifie le phénomène tendance. En 1968, Maime Arnodin et Denise Fayolle créent Mafia, la première agence de relations presse et de publicité mode pour conseiller les fabricants et catalogues par correspondance sur les tendances. D’autres « bureaux de style » ouvriront leurs portes dans les années 1970.
Si la jeunesse endosse cette fonction, c’est qu’elle n’hésite pas à expérimenter de nouvelles identités et qu’elle possède, depuis les années 1920, des fabricants de mode, individus qui cristallisent la jeunesse et dont l’influence va bien au-delà du groupe. Les faiseurs de tendances les plus emblématiques sont les yéyés qui ont popularisé la première mode de masse et été portés aux nues grâce à la démocratisation de la télévision dans les années 1960. En 1973, les « branchés » apparaissent dans la presse pour désigner les faiseurs de tendance. Issus de la mode, la de la musique, du journalisme, du cinéma, de la décoration ou de l’art contemporain, ils popularisent des pratiques et des esthétiques élitistes.
Pour le sociologue et journaliste Ronan Chastellier, les tendances sont un peu comme le ciel des peintres hollandais, où il semble toujours se passer quelque chose. Les tendances changent et mutent un peu à la façon de Protée, dieu baroque qui possède à la fois le don de métamorphose et de prédiction, qui a le génie de s’évanouir et de réapparaitre toujours sous une forme nouvelle. Il faut distinguer les tendances de fond, que l’on pourrait appeler courants, dont les industriels sont si friands, des tendances plus furtives qui vont et viennent en une seule saison et qui sont devenues la marque de fabrique des acteurs de l’ultra fast fashion. Si les tendances confidentielles signent son appartenance à un milieu d’initiés à la consommation ostentatoire ou au mode vestimentaire radicale, les tendances massives sont la popularisation par la vulgarisation d’une tendance avant-gardiste. Les pratiques les plus pointues sont les signaux faibles, les engouements populaires de demain dont raffolent les futurologues. Si la métamorphose d’une tendance élitiste est possible, elle est loin d’être certaine. Lorsqu’on parle de tendance, il est d’ailleurs difficile de distinguer les phénomènes de mode avant- gardistes promis à une large diffusion, à ceux déjà présents dans le corps social qui mettent en lumière une modification des modes de vie. Erner distingue aussi les tendances fonctionnelles qui trouvent leur source dans les modifications sociologiques, économiques ou réglementaires du cadre de vie (objets liés à l’habitat par exemple) des tendances non fonctionnelles qui font référence à l’évolution du goût des individus.
LE CAHIER CONSOMMATEUR DE DEMAIN 2026 DE WGSN MET EN ÉVIDENCE L’ÉVOLUTION SUR DEUX ANS DES PROFILS DE CONSOMMATEURS ET DE LEUR ÉTAT D’ESPRIT. CETTE ÉTUDE MESURE ÉGALEMENT L’IMPACT DE L’ÉPUISEMENT SUR LA VIE DES CONSOMMATEURS, AINSI QUE LA MANIÈRE DONT LES « LUEURS » PEUVENT AGIR POSITIVEMENT SUR LEUR RESSENTI ET FAIRE CONTREPOIDS.
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